Le refus d’octroyer le visa aux Africains n’a jamais été aussi inefficace pour empêcher l’immigration légale vers le prétendu eldorado qu’est l’Occident. Les migrants, en une véritable ruée, ont finit par faire savoir que si plusieurs chemins mènent à Rome, eux, peuvent se passer de la voie aérienne. Certains d’ailleurs ont essayé de migrer clandestinement par cette voie sans succès. On se souvient encore du drame des deux petits guinéens, Yaguine Koïta et Fodé Tounkara, retrouvés sans vie dans le train d’atterrissage d’un avion en 1999 à Bruxelles.
Si et seulement si la Méditerranée pouvait parler
Depuis plusieurs années, le sujet fait le tour des tables. Comment combattre l’immigration clandestine ? Quelles sont les solutions adéquates à court ou long terme que peuvent adopter les pays Africains afin que ce phénomène soit complètement éradiqué? Se joindre aux pays Européens dans le processus de sécurisation des frontières, en organisant une chasse aux réseaux de passeurs, est une mesure qui a montré ses faiblesses face à la détermination des clandestins car malgré elle, le nombre de victimes va crescendo chaque année. Les chiffres ne mentent pas : plus de 5 000 migrants ont perdu la vie en 2016 en essayant de regagner l’Europe par la Méditerranée. Le rapport 2016 de l’ONU sur l’immigration clandestine l’affiche clairement. Ce rapport scandaleux ne représente pourtant que la partie visible de l’iceberg. Un bilan qui aurait sûrement été plus lourd si la Méditerranée était dotée de la faculté de parler.
Une barrière anti-immigration construite par le Maroc proche de Melilla, enclave espagnole, photo 27 avril.com
Créer des emplois est une demi-mesure. Bien que non négligeable est n’est pas une solution pragmatique
Cette citation de Son Excellence monsieur Ibrahim Boubacar Keita, Président de la république du Mali, extrait d’un de ses discours pendant sa campagne présidentielle, me marquera à vis. Je la cite : « le chômage des jeunes est, parmi les maux qui affligent notre société, l’un des plus douloureux. Sans emploi, il n’est pas d’intégration sociale réussie, pas de réalisation de soi dans la communauté…» En effet, elle résume à la perfection cette importance pour chaque jeune d’avoir un emploi. Figurez-vous qu’au Mali, 46%, travaillent pour nourrir 54% selon un rapport du ministère de l’emploi. Ces 54% qui sont en majorité des jeunes, sont les plus nombreux et les plus aptes à travailler mais paradoxalement, sont les moins actifs. Le constat est le même dans la plupart des pays Africains. Le chômage est effectivement un facteur incontournable favorisant l’immigration clandestine. Créer des emplois n’est donc pas une proposition négligeable. Sans aucune intention de vouloir la balayer du revers de la main, je la juge en revanche assez simpliste bien que je sois d’avis pour sa prise en compte. A chaque discussion autour de l’immigration clandestine, elle revient au point que l’on ne se réfère plus à certains aspects techniques et stratégiques incontournables pour aboutir à du concret et durable.
Le chômage existe en France, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne et tous les autres pays Européens… Leurs citoyens, ne s’adonnent pas pour autant à l’immigration clandestine
Posons-nous les questions de savoir pourquoi des étudiants Africains en médecine, après de brillantes études dans leur pays, décident de migrer vers l’Europe alors que tout le monde pense qu’ils pourraient bien gagner leur vie au pays ? Pourquoi les enseignants d’universités préfèrent donner des cours dans les grandes universités Européennes alors qu’ils pourraient être d’une utilité inestimable pour l’Afrique ? Pourquoi quoique le chômage existe dans les pays Européens, leurs citoyens ne s’adonnent pas à l’immigration clandestine? Parce que les citoyens des pays développés, même étant chômeurs, sont dans les conditions réunies pour supporter la vie et ses contraintes. Ils arrivent à se soigner, à étudier dans de très bonnes conditions, à voyager sans problème de visa, à se nourrir convenablement. Une femme de ménage immigrée en France, peut se retrouver avec un revenu mensuel plus important que celui d’un médecin au Burkina. Pendant que l’enseignant d’université au Mali peine à gérer le mois, celui qui donne des cours en Europe est propriétaire de quelques immeubles. Voici une réalité qui montre bien que ce n’est pas une question d’emploi. Tout le monde aspire à bien vire. C’est naturel et normal. Donnez un emploi à chaque jeune Africain si vous le voulez, cela ne mettra pas fin à l’immigration clandestine si ces emplois ne leur permettent pas de vivre dans de bonnes conditions. Ce n’est plus la fin mais la faim qui justifie les moyens.
Songeons à transformer sur place !
L’immigration clandestine ne sera plus qu’un souvenir que si les dirigeants des pays Africains comprennent l’importance du combat afin que l’Afrique se développe. Ce développement ne sera jamais une réalité si nous passons notre temps à penser à l’aide extérieure et à exporter nos richesses au lieu de les transformer sur place. Il ne sera jamais une réalité si nous ne prenons pas nos responsabilités en imposant des partenariats profitables à l’Afrique. Les plus grands groupes industriels implantés sur le continent n’appartiennent pas aux pays Africains. Ceux qui empêchent nos jeunes de se rendre chez eux aujourd’hui détiennent l’or du Mali, le cacao et l’huile de palme de la Côte d’Ivoire, le diamant du Congo, l’uranium du Niger, le coton du Burkina, exploitent toutes ses richesses à partir de contrats signés avec nos gouvernements, les transfèrent chez eux pour la transformation finale avant de revenir nous les revendre plus chers. Depuis combien d’années ce système existe-t-il ? Comment l’Afrique peut-elle avoir les moyens de se développer dans ces conditions même si ces sociétés créer des emplois?
Prenons un exemple concret : en 2016 par exemple, selon le ministre malien de l’Énergie et des mines, l’or du Mali a remporté 280 milliards à l’Etat malien et a créé 12 000 emplois. C’est beaucoup comme revenu mais ce n’est quasiment rien comparé à ce que les exploitants ont empoché comme bénéfice. Imaginer un tant soit peu que L’Etat malien ait le contrôle de toutes les exploitations avec ses propres machines. Il ferait encore plus de revenus car. Si le Pays applique cette règle à tous les autres domaines comme l’agriculture, l’élevage etc.… il pourra, à partir de la valeur ajoutée dégagée qui sera 100 fois plus importante, financer son développement. Si le Burkina se dote des moyens lui permettant de transformer son coton sur place, il ferait plus de revenus que lorsque l’on vient le lui acheter pour aller le transformer et revenir le lui vendre. Pareil pour le cacao ou le café de la Côte d’Ivoire. Une procédure infaillible démontrée depuis plusieurs années par d’éminents spécialistes du domaine économique …
Morila.Sa, est composé de 20% pour l’Etat malien, 40% pour AngloGAngloGod et 40% pour RandGold
Au bout d’un moment, les pays Africains auront les moyens nécessaires pour enclencher leur développement si avec les richesses amassées, les dirigeants tuent l’individualisme pour privilégier l’intérêt commun. Tout naturellement, des emplois bien rémunérés se créeront par millions sur place. Les revenus seront suffisants pour investir dans les domaines très importants comme l’éducation, la santé, les infrastructures de pointes, garantir le développement et assurer de bonnes conditions de vie en un mot. L’immigration clandestine au bout d’un moment disparaîtra d’elle-même car les africains auront ici ce qu’ils vont chercher là-bas.
Issouf KONE pour DONIBLOG